A l’occasion des élections présidentielles et législatives, la Fédération Française des Télécoms a demandé à deux chercheuses du cabinet Discours & Pratiques d’analyser et d’étudier la relation entre le numérique et la vie citoyenne des français.
L’étude de Joëlle Menrath et Laurence Allard a ainsi fait ressortir 6 changements majeurs sur le rapport du « citoyen connecté » à la politique.
1) « Chacun à un rapport actif avec l’information politique »
Les citoyens connectés ont accès à une large panoplie d’outils et de médias (Twitter, Facebook…) qui leur permet de rompre avec une position spectatorielle. Cette variété de canaux leur permet de devenir des protagonistes de la vie politique.
Et pourtant, si les Français ne sont pas tous des contributeurs actifs sur Internet, il est indéniable qu’il existe un vrai engouement pour le décryptage, l’enquête et le décodage. C’est ce qui explique, en partie, le succès des sites de « fact checking », des « véritomètres » et autres comparateurs de discours politique durant les élections de 2012.
2) Le tabou du « parler politique » sur Internet n’est pas levé
La politique reste un domaine privé et les réseaux sociaux ne sont pas devenus l’espace privilégié du débat public. Ils favorisent tout de même des formes d’échanges autour des contenus politiques, où ne se révèlent pas explicitement les opinions.
Poster des images d’affiches détournées, parler par diaporamas et par articles de presse interposés, utiliser le like pour ne pas avoir à en dire plus, retweeter un message… sont des exemples d’expressions multimodales par lesquelles on s’exprime sur la politique sans se dévoiler et sans entrer dans le débat.
3) Transformation du devoir civique en plaisir numérique
Les citoyens choisissent leurs outils et médias en fonction de leurs contraintes quotidiennes, mais aussi de leur plaisir.
Ainsi l’humour ou le second degré est une autre clé d’entrée dans la campagne politique, surtout pour les plus jeunes. Détourner la politique n’équivaut pas à s’en détourner. S’amuser avec le podcast d’un imitateur, regarder des vidéos humoristiques, poster des caricatures qui déconstruisent la communication politique ou remixer les phrases d’un débat n’implique pas une perte d’exigence vis-à-vis du politique.
4) Internet favorise la curiosité politique
La navigation dans les programmes politiques qui peut s’effectuer par ouvertures de plusieurs onglets simultanés permet par exemple de s’intéresser à des idées opposées aux siennes, de jeter un œil sur plusieurs propositions ou de visiter le site d’un parti en simple curieux.
Aujourd’hui il est donc vain de chercher à déduire le profil politique d’un citoyen à partir de ses pratiques numériques.
5) La militance digitale « libre »
De l’avis des militants rencontrés, la campagne 2012 a été animée par une véritable stratégie numérique. Mais à côté des consignes données par les équipes des partis aux militants encartés, existe également une autre forme de militance. Poster des articles avec un commentaire, partager son opinion sur les sites de réseaux sociaux peut être considéré comme une forme de militantisme « libre ». Cela peut donc être une façon de militer pour l’électeur lambda.
6) Métamorphose des espaces publics par la connexion
Finalement, Internet ne créé pas le débat mais il est simplement un cadre qui assure le prolongement des discussions politiques ayant lieu dans la « vraie vie ». Ainsi, on observe la création d’espaces publics hybrides. L’exemple le plus criant est le meeting politique traditionnel qui évolue et devient connecté.
Désormais, on se géolocalise dans les meetings, on twitte, on poste des statuts sur Facebook, on prend des photos, des vidéos, on partage tout simplement. L’utilisation des smartphones et des tablettes contribue à cette métamorphose et accentue le phénomène. On peut même contribuer à une discussion et apporter des éléments de débat sans être physiquement présent.
Pour aller plus loin, et découvrir la présentation complète de l’étude et sa méthodologie:
http://www.fftelecoms.org/sites/default/files/contenus_lies/fftelecoms_-_etude_presidentielles_-_conf_de_presse_0.pdf