Dans un communiqué sur son blog officiel, Google a annoncé un changement de sa politique au regard de son service Adwords visant à réaffirmer son rôle passif et la totale libéralisation du choix des mots-clés. Ce changement de politique de Google qui s’inscrit dans un objectif de responsabilisation des annonceurs constitue le dernier épisode d’un feuilleton juridique qui a animé ces 8 dernières années devant les juridictions nationales et européennes.
Plusieurs sociétés avaient, en effet, constaté que leur marque était proposée par Google en tant que mot-clé, dont l’acquisition était libre et permettait à n’importe qui (y compris des concurrents) de proposer via Google un lien promotionnel dirigeant vers leur site lorsqu’un internaute effectuait une recherche.
Ces sociétés ont assigné Google, qui a été condamné en première instance et en appel ((CA Versailles, 10 mars 2005, RG n°03/07388 et n°04/02214 ; CA Versailles, 23 mars 2006, RG n°05/00342, CA Paris, 28 juin 2006 RG n°05/06968.)) pour contrefaçon de marque.
Saisie de pourvois introduit par Google, la Cour de cassation ((Cass. Com. 20 mai 2008, n°06-20.230.)) a sursis à statuer dans l’attente de la réponse à des questions préjudicielles de la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE), tendant à déterminer si Google pouvait à bon droit se voir reprocher une contrefaçon de marque pour son exploitation des mots-clés, et si la responsabilité de Google pouvait être engagée, au regard du droit communautaire dérivé.
La CJUE a considéré dans un arrêt du 23 mars 2010 ((CJUE, Grande Chambre, 23 mars 2010, C-236/08, C-237/08, C-238/08.)), que si l’annonceur pouvait voir sa responsabilité engagée sur le fondement de la contrefaçon de marque, tel ne pouvait être le cas du prestataire de service de référencement, dans le mesure où il ne faisait pas un usage de la marque, à condition toutefois, qu’il ne joue pas un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées. Les juges européens précisent sur ce point que si le prestataire se contente d’être simplement passif, il peut toutefois engager sa responsabilité s’il refuse, ayant pris connaissance du caractère illicite des activités de l’annonceur, de retirer promptement les annonces et mots-clés litigieux.
Dans 3 arrêts du 13 juillet 2010, la chambre commerciale de la Cour de cassation a tiré les conséquences de cette décision considérant que Google en sa qualité de simple prestataire technique au rôle passif lors du choix des mots-clés dans son service Adwords ne pouvait de ce seul fait engager sa responsabilité pour contrefaçon. En d’autres termes, Google sera irresponsable du choix des mots-clés par les annonceurs sauf à démontrer que le moteur de recherche n’a pas agi promptement en cas de notification de réservation et d’exploitation illicite de mots-clés.
Par un changement de politique qui sera effectif à partir du 14 septembre, Google décide sur la base de ces arrêts de modifier à compter de cette date sa politique en la matière. En effet, suite à l’engagement de sa responsabilité dans le cadre des procédures liées au service Adwords, Google avait développé un outil permettant de retirer les marques des mots-clés qui pouvaient être achetés lors d’une campagne de référencement.
Cette mesure, si elle permettait de protéger les intérêts des titulaires de marque, est de nature, à la lecture de l’arrêt de la Cour de justice, à donner à Google un rôle actif permettant d’engager sa responsabilité si une marque devait échapper à ce dispositif de protection préventive.
Google décide donc de mettre un terme à cette protection et de choisir une démarche passive qui consiste à ne plus « blacklister » de marque. En d’autres termes, les annonceurs seront bientôt libres d’attirer sur leurs sites les internautes lorsque ceux-ci font une recherche sur les produits d’un concurrent en réservant la marque phare de ce dernier à titre de mots-clés sur le service Adwords.
Observons toutefois, que les propriétaires de marques qui s’estiment lésés en présence d’une confusion organisée par un concurrent, pourront toujours déposer une « plainte » à Google afin de voir retirer promptement cette annonce. Libre à eux d’engager parallèlement une procédure à l’encontre de ce concurrent indélicat.
Dans ce contexte, observons que si Google bénéficiera mécaniquement de cette ouverture des mots-clés en limitant sa responsabilité, on peut s’attendre à ce que tel ne soit pas le cas des acteurs du Web, qui pourront voir multiplier les détournements de clientèle et autres attaques déloyales et parasitaires de concurrents peu scrupuleux.
Il convient, dès lors, de mettre en place des systèmes de veille concurrentielle et de vérifier en amont les risques juridiques induits par le lancement de campagnes de référencement sur la Toile.
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Par Stéphane ASTIER, Avocat à la cour, et Pierre-Camille HAMANA, Juriste au cabinet HAAS.
Source :
Post sur le blog officiel Google Adwords, « Changements pour les marques en Europe », Sébastien Badault ; Voir le document.
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