Les règles du déploiement de la fibre optique en France sont désormais connues. L’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes (ARCEP) vient de publier sa décision qui organise ce déploiement en dehors des « zones très denses », donc hors des grandes villes. Voici quelques clés de décryptage.
Le déploiement dans les grandes villes avait déjà fait l’objet d’une décision fin 2009, à l’initiative des opérateurs télécoms. Ceux-ci doivent déclarer leur intérêt pour le fibrage d’une zone donnée, en le finançant seuls ou en co-investissement avec leurs concurrents s’ils souhaitent investir sur la même zone. Dans ces grandes villes, quatre fibre optiques seront installées pour chaque logement. Cela signifie qu’à terme plusieurs opérateurs peuvent être présents simultanément dans les habitations. Plusieurs offres coexistant, les abonnés pourront changer assez facilement d’opérateur.
Une seule fibre par logement
Qu’en est-il en dehors de ces très grandes villes ? Le schéma de déploiement est différent. Le fibrage d’une habitation ou d’une entreprise coûte plus cher, car les distances de fibre sont plus importantes, et les immeubles comportent moins de logements. Il a donc été décidé qu’une seule fibre optique équiperait chaque logement. Celle-ci sera raccordée à un « point de mutualisation », couvrant au minimum 1 000 logements dans les villes, et 300 logements dans les zones peu denses. Pour un abonné, le passage d’un opérateur à un autre se fera avec une coupure de service, un peu comme le dégroupage d’une ligne ADSL aujourd’hui, ce qui pourra causer quelques difficultés pour les utilisateurs.
Ce déploiement sera à l’initiative des opérateurs télécom, des gestionnaires de zone ou des collectivités. Ces organismes auront le rôle d’« opérateurs d’immeubles ». Ils proposeront un découpage d’une commune en zones de 1 000 logements minimum dans les villes de moyenne importance, et 300 dans les zones rurales. Lorsqu’ils commenceront à déployer la fibre dans une de ces zones, ils devront s’engager à fibrer l’intégralité de cette zone en 5 ans : sous réserve d’accord des propriétaires ; soit la fibre sera installée dans chaque logement, soit elle sera prête à l’être sur demande des abonnés. Dans une même commune, on pourra donc avoir une zone fibrée à 100% d’un côté, et une zone sans fibre de l’autre.
Un découpage en zones de 1 000 logements
Pourquoi ce chiffre de 1 000 logements (et 300 en zone rurale) ? Cette limite n’est pas évidente a priori ; puisqu’on a aujourd’hui une structure différente pour le réseau téléphonique et l’ADSL. Les répartiteurs téléphoniques équipent une zone de l’ordre de 10 000 lignes, soit dix fois plus. Le déploiement en ADSL a suivi ce schéma puisque les équipements centraux, les « DSLAM », se situent dans ces répartiteurs principaux. Ce schéma initial est à l’origine des « zones blanches » de l’ADSL, car les habitants qui se trouvent à plus de 5 km du répartiteur ne peuvent pas avoir l’ADSL, à cause des limitations de cette technologie, et ne peuvent pas changer de répartiteur, étant donné la structure de distribution du réseau téléphonique. La seule solution pour eux est l’équipement en ADSL des sous-répartiteurs.
La fibre optique ne présente plus la limite technique de 5 km, puisqu’on peut éclairer une fibre avec des équipements communs jusqu’à 20 km voire plus. Pourquoi n’avoir pas choisi des zones de 10 000 lignes pour la fibre optique ? Le choix du chiffre de 1 000 lignes résulte d’un compromis technique entre les opérateurs qui ont choisi la technique du « PON », et celle du « point à point ». Le PON permet de diviser une fibre initiale en un arbre de plusieurs fibres pour raccorder des logements. C’est la technologie choisie par Orange par exemple. Le point à point utilise une fibre unique par logement. Cette structure a été choisie par Free notamment. Les opérateurs PON ont besoin que le point central de raccordement pour un groupe d’immeubles ne soit pas trop éloigné des logements. Une structure de distribution depuis les répartiteurs n’aurait pas été possible pour ces opérateurs. Ils demandaient au contraire un point central de raccordement très proche des immeubles. En revanche, ce schéma n’aurait pas convenu aux opérateurs « point à point », car les chemins de câbles de distribution, proches des immeubles, auraient été vite saturés par le nombre de fibres posés par tous les opérateurs.
Ce compromis à 1 000 logements correspond à des points centraux, dits « de mutualisation », au niveau des sous-répartiteurs téléphoniques. Le schéma de déploiement de la fibre est donc le suivant : une seule fibre entre chaque logement et son sous-répartiteur téléphonique, utilisable par tous les opérateurs qui pourront la « dégrouper » ; de là tous les opérateurs repartent vers leur central optique, en mutualisant ou non le signal sur leurs fibres.
Qui va déployer la fibre ?
Le cadre technique est désormais fixé, on peut considérer que c’est un juste compromis car il laisse le choix de leur technologie aux opérateurs et il permet d’utiliser efficacement les infrastructures de France Télécom déjà installées dans les villes.
L’initiative du déploiement est laissée aux opérateurs télécoms. Ceux-ci vont choisir les zones de 1 000 logements dans telle ou telle commune suivant leur intérêt commercial. Il y a néanmoins une certaine péréquation car l’ensemble de la zone de 1 000 logements devra être équipée, ce qui évite les trous de couvertures liés à des îlots jugés non rentables ou plus éloignés physiquement. Toutefois, il est probable que des zones entières soient laissées de côté dans un premier temps.
En revanche, ce palier de 1 000 logements impose des barrières à l’entrée importantes : l’investissement financier et l’organisation de ce déploiement fait qu’il sera impossible pour des petites structures privées ou publiques.
On peut donc imaginer deux types d’acteurs pour ce déploiement de la fibre. D’une part, les opérateurs « grands public », qui ont commencé à le faire en zone très denses, et qui ont fait des annonces sur certaines villes d’importance moyenne. D’autre part, les collectivités. Celles-ci devront s’organiser au moins à l’échelle de la commune, voire à celle des communautés de communes ou des départements. Il est possible qu’elles deviennent elles-mêmes « opérateurs d’immeubles » pour équiper les logements de leurs administrés. C’est la continuité du mouvement entamé par certaines collectivités depuis 5 ans, avec le lancement de délégations de service public afin de fibrer les zones d’activités, les centraux téléphoniques, ou directement certains abonnés, comme à Pau ou Saint Quentin en Yvelines par exemple. Grâce à ces initiatives publiques, les opérateurs, comme CELESTE, qui équipent les entreprises peuvent d’ores et déjà proposer la fibre optique à la plupart des entreprises du pays.
La fibre, un service public ?
Le fait de choisir des zones de 1 000 logements inquiète certaines collectivités. En effet, celles-ci craignent que les opérateurs télécom ne fassent leur marché avec les zones rentables, et ne leur laissent que les zones non rentables. Cela aurait un double effet négatif pour elles : d’abord, ces zones seront probablement plus coûteuses à raccorder ; puis les collectivités ne pourraient pas gagner de l’argent sur les zones rentables afin de subventionner ces zones reculées.
L’enjeu pour elles va être de négocier avec les opérateurs cette péréquation dans le découpage des mailles territoriales en zones de fibrage. Elles pourront leur proposer de co-investir en échange de critères liés à l’aménagement du territoire.
La fibre ne sera probablement pas un service public, mais c’est une opportunité de rapprochement entre les opérateurs et les collectivités pour établir une vision conjointe. Rendez-vous en 2025, nous devrions alors tous être fibrés !
Nicolas Aubé
Président de CELESTE
CELESTE est fournisseur d’accès haut débit et haute disponibilité pour les entreprises partout en France.
Spécialiste de la fibre optique, CELESTE propose des solutions d’Accès Internet, d’hébergement ou de téléphonie.
www.celeste.fr